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La dernière lettre de Farzad Kamangar et extrait de son testament, syndicaliste exécuté le 9 mai 2010

 

Dernière lettre de Farzad Kamangar, arrêtée en mai 2007, torturée, condamnée à mort et exécutée ce matin, ‎dimanche 9 mai 2010, à Téhéran. Avec quatre autres prisonniers politiques kurdes, Farzad Kamangar a été exécuté ‎en secret, le dimanche 9 mai à la prison d’Evin à Téhéran. Enseignant de 35 ans et membre du syndicat ‎professionnel des enseignants kurdes, il a été accusé de « mettre en danger la sécurité nationale » et « inimitié ‎envers Dieu ». Il vivait sous la menace de la peine de mort depuis Février 2008 suite à un simulacre de procès qui a ‎duré moins de cinq minutes. En prison, Farzad a subi des tortures et des pressions psychologiques.‎

 

 

«Je veux donner mon cœur rebelle à un enfant»

 

 

“Farzad et ses élèves”‎
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‎«Je m'appelle Farzad Kamangar, appelé Syamand, instituteur depuis 12 ans. Pendant l'année ‎précédant mon arrestation, j'enseignais au collège technique de Kamyaran, étais membre du conseil ‎d'administration du syndicat des enseignants techniques du Kurdistan et également le porte-parole de ce ‎syndicat, jusqu'à l'interdiction de ses activités par le gouvernement.‎

Je faisais aussi partie de l'équipe de rédaction de la revue pédagogique Rouyan (la revue de l'éducation ‎nationale au Kurdistan) jusqu'à ce que cette revue soit également interdite par les renseignements. J'ai ‎également été membre de l'association de protection de l'environnement de Kamyaran (ASK). En 2005, ‎lorsque la ligue de défense des droits de l'homme a commencé ses activités locales, j'y ai adhéré en tant ‎que journaliste…

En août 2006, je suis venu à Téhéran pour m'occuper de la santé de mon frère, un ‎activiste kurde, et j'ai été aussitôt arrêté. J'ai été transféré à un sous-sol sans ventilation et sombre dont ‎j'ignore l'adresse. Les cellules étaient vides et dépourvues de tout objet, lit ou couverture…‎ ‎...

Lors des interrogatoires, je recevais des coups de fouet sur tout le corps pour toute référence à mon ‎identité kurde, ma religion (sunnite, NDLR) ou même à cause de la musique kurde que j'avais sur mon ‎mobile. Ils me faisaient asseoir sur une chaise, déshabillé et les mains liées dans le dos et me donnaient ‎des coups aux endroits sensibles du corps ou me menaçaient de viol et me harcelaient avec le bâton. Ma ‎jambe gauche a été fortement endommagée pendant cette phase d'arrestation et j'ai même perdu ‎connaissance à cause des coups reçus sur la tête et des électrochocs que j'avais subis et depuis mon ‎réveil, j'ai des problèmes d'équilibre et des tremblements involontaires qui continuent jusqu'à ce jour‎...

Au bout de quelques jours et de multiples sévices, j'ai été à nouveau transféré à la section 209 d'Evine, ‎où j'ai été interrogé et battu dans une pièce au premier étage. Fin août, mon état de santé s'est aggravé à ‎cause des tortures subies… J'ai passé les mois de septembre et octobre en solitaire et j'ai tellement subi ‎de torture que j'ai fait une grève de la faim pendant 33 jours. Lorsqu'ils ont convoqué ma famille pour les ‎menacer en ma présence, je me suis jeté du haut des escaliers pour mourir. Ensuite, encore un mois de ‎solitude, sans visite ni de coup de fil. Et pas de droit de sortie pendant les trois mois en solitaire...‎ Début décembre, j'ai été transféré à la maison d'arrêt des RG de Kermânchâh, alors que je ne savais ‎toujours pas de quoi j'étais accusé ! Là, ils m'ont déshabillé et battu encore une fois, puis m'ont donné ‎des vêtements souillés et m'ont conduit, toujours en me tapant dessus…

Avec deux ampoules qui ‎pendaient du plafond et sans ventilation, la cellule semblait être une ancienne toilette froide qui empestait. ‎Il y avait juste une couverture très sale. L'espace était si exigu (environ 1m60 x 50 cm) que je me cognais ‎la tête au mur en me réveillant. Pour pallier le manque d'air, je collais mon visage par terre, à la fente de ‎la porte où un petit courant d'air pénétrait. Ils tapaient sur la porte plusieurs fois par heure, pour que je ‎n'arrive pas à dormir. Parfois ils éteignaient la lumière et me laissaient dans le noir…‎

Dans les quinze derniers jours de ma détention, j'ai été transféré à une cellule encore plus sale et très ‎froide. J'étais insulté et battu tous les jours. Une fois, je me suis même évanoui après le coup que j'avais ‎reçu aux parties génitales… Une nuit, ils m'ont déshabillé et m'ont menacé de viol. J'ai dû commencer à ‎me taper la tête contre le mur pour les faire arrêter. Ils m'ont obligé à avouer avoir eu des relations ‎sexuelles... J'entendais les plaintes et gémissements des autres prisonniers. Certains se suicidaient ‎même. Mi-mars, j'ai été transféré à Téhéran, mais toujours sans droit de visite. Je subissais la pression ‎psychologique, car ils menaçaient en permanence d'arrêter ma famille et continuaient à m'insulter…‎

Après une longue attente, mon dossier fut envoyé au 30e tribunal, en juin 2007. Mes interrogateurs ‎disaient qu'ils demanderaient la peine maximale pour moi… Ils me détestaient pour ce que j'étais : kurde, ‎journaliste et militant pour les droits de l'homme. Malgré toutes les pressions, ils n'arrêtaient pas…‎

Extrait du testament de Farzad Kamangar

 ‎«Alors que mes geôliers ont décidé de m'enlever la vie, je décide de donner mes organes aux personnes ‎qui en ont besoin pour leur donner la vie.‎

Qu'elles soient au flanc du mont Sabalan, sur les rives de Karoun, dans le désert ou regardant le lever du ‎soleil en haut de Zagros.‎

Je veux donner mon cœur rebelle à un enfant, plus rebelle encore, qui confie ses rêves aux étoiles, les ‎prenant à témoin pour ne pas trahir ses rêves d'enfance une fois grande.‎

Je voudrais que mon cœur batte dans la poitrine de celui qui pense aux enfants qui dorment le ventre ‎vide, comme mon élève Hamed (16 ans) qui m'écrivait « Même mon souhait le plus petit ne se réalise pas ‎dans la vie ! » avant de se pendre.‎

Laissez mon cœur battre dans un nouveau corps, peu importe la langue qu'il parle ou la couleur de sa ‎peau, juste qu'il soit l'enfant d'un ouvrier, pour que la peau rêche des mains de son père, me rappelle mes ‎luttes contre les inégalités. Un enfant qui serait peut-être dans quelques années instituteur dans un ‎village éloigné, pour que les enfants viennent l'accueillir sourire aux lèvres, pour partager avec lui leurs ‎rêves et chagrins.‎

Peut-être qu'alors, ils connaîtront un monde sans faim et qu'ils n'auront plus entendu les mots prison, ‎torture, cruauté et inégalité.» ‎

 

 

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