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Solidatiré Socialiste avec les Travailleurs en Iran

Les gouvernements en Iran et la question de classe

B. Arash 16 décembre 2013
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Les gouvernements en Iran et la question de classe‎

 

 

 

 

C'est un fait indéniable que la politique électorale en Iran est le lieu de rencontre des groupes ‎privilégiés, résultant d'une procédure toujours continue de « la purification » à l’intérieur du régime. ‎Cette procédure se manifeste de diverses manières, de la répression sanglante des opposants (surtout ‎aux premières années après la révolution 1979) au processus de la disqualification des candidats aux ‎élections exercée par le Conseil des Gardiens de la Constitution. Ainsi, les candidats à toute élection en ‎Iran partagent-ils, ou en effet doivent prétendre à partager, de fortes similarités tout en gardant des ‎divergences concrètes crées par la guerre du pouvoir à l’intérieur du régime

L’arrivée au pouvoir d’Hassan Rohani [septième président, entré en fonction en août 2013, élu en juin] ‎ne fait pas d’exception à cette procédure contrôlée. ‎

Le régime iranien s’est montré toujours préparé à payer le prix de l’exclusion des rivaux même ‎potentiellement dangereux. Si des opposants communistes avaient été exécutés pendant les années ‎‎1980, Akbar Hashemi Rafsandjani, premier président après la guerre Iran-Irak et fidèle de longue date ‎à la République islamique, a été «tristement» disqualifié pour la présidentielle quelques semaines avant ‎l’élection. Proche de Hashemi, Rohani a été néanmoins visiblement proche du guide suprême, Ali ‎Khamenei, et fait partie de son cercle de confiance. Cela se confirme par les événements de ces ‎derniers mois.‎

En Iran, en absence de libre circulation de l’information, particulièrement en ce qui concerne le ‎pouvoir politico-économique des Gardiens de la Révolutions et du guide suprême et de son entourage, ‎les analyses politiques s’effectuent souvent à travers des exégèses des discours des politiciens et des ‎signes de la sphère publique, ainsi qu’à travers des comportements antérieurs des responsables ‎politiques. Dans cette situation, toute analyse est susceptible de rencontrer d’éventuelles surprises.‎

Malgré la difficulté de l’analyse, il y a des tendances invariables pendant ces dernières années au sein ‎de la République islamique, ce qui relève des continuités déterminantes entre les gouvernements ‎successifs, y compris celui d’Ahmadinéjad et d’Hassan Rohani. L’article 44 de la Constitution de la ‎République Islamique de l’Iran, ordonnant la privatisation, après une modification forcée par le guide ‎suprême, n’a jamais été contesté par un président ou par un groupe politique au pouvoir. Ce principe ‎est un axe central de tous les programmes économiques des différents gouvernements. C’est ‎exactement cette privatisation par un Etat oligarchique qui est devenue en réalité une distribution du ‎bien «public» entre les oligarques et qui a fait apparaître, par conséquent, une nouvelle bourgeoisie ‎étant – vu la situation du pays – en grande partie militaire. Ce genre de programmes économiques ne ‎peut se réaliser, bien évidemment, qu’à travers une restriction forte et violente de toutes les activités ‎militantes et des organisations politiques non étatiques. Cette attitude fait partie du comportement de ‎tous les gouvernements après la guerre entre l’Iran et l’Irak.‎

Cependant Hassan Rohani n’est ni réductible à ce qu’on appelle la volonté du guide suprême, ni un cas ‎à part parmi les présidents iraniens : toujours encadrés par le guide suprême dans l’ordre de la ‎république islamique. En ce qui concerne sa place dans la sphère politique de l’Iran, d’un côté son ‎cabinet se compose principalement de technocrates proches d’Akbar Hashemi, avec une vingtaine ‎d’années d’expérience dans le gouvernement. D’un autre côté, ses alliés politiques indiquent sa ‎proximité avec une grande partie des «réformistes», qui, sur le plan économique, n’avaient pas une ‎identité distincte et qui ont toujours suivi le chemin dessiné par l’équipe d’Akbar Hashemi.‎

Jetant un coup d’œil sur son cabinet, on peut admettre que l’orientation économique du gouvernement ‎Rohani est déterminée, de manière volontaire, selon une orientation bien claire sur l’économie, et pas ‎seulement à cause de l’exigence structurelle du régime.‎

L’orientation économique du gouvernement

Hassan Rohani, dans son livre «La sécurité nationale et le système économique de l’Iran», met le doigt ‎sur le chômage, lié à la crise du travail et à l’instabilité du marché économique, en tant qu’une menace ‎pour la sécurité nationale. Il insiste que même dans les pays pratiquant un marché libre, l’Etat ‎intervient pour empêcher la réduction des salaires lors des conflits entre les syndicats et les patrons. ‎Laissons, pour le moment, la question de savoir si cette «intervention contre la réduction des salaires», ‎vu son passé, est un geste sincère de la part du gouvernement ou non. Admettons néanmoins que le ‎chômage d’un taux de 12% en Iran reste le problème central de l’économie iranienne du point de vue ‎du gouvernement. Quelle sera la solution apportée au problème du chômage par le gouvernement ?‎

 ‎«Monsieur le président a suggéré qu’on étudie et qu’on change les noms des métiers par des noms ‎chics pour que la tendance vers le travail chic augmente»‎1 ‎, voici comment le ministre du Travail ‎esquisse son programme pour rendre les métiers dits inférieurs plus attractifs. Parlant de la productivité ‎et de «la culture de travail», Ali Rabiei ajoute que la plupart des travailleurs admettent travailler deux ‎heures dans la journée, mais reçoivent le salaire d’une journée complète de travail. Mais faut-il alors ‎diminuer les salaires et exacerber les systèmes disciplinaires dans les lieux de travail ? En l’absence de ‎notion de «délégué ouvrier», c’est le ministre du Travail qui joue le rôle des «partenaires sociaux». ‎Cela montre dans quelle mesure la gestion de travail en Iran est unilatérale.‎

De plus, dans le programme économique proposé par le ministre du travail ‎2 ‎, le rôle des syndicats, des ‎ouvriers et des patrons est plutôt d’augmenter l’harmonie entre la force de travail et les entreprises. ‎C’est dans une perspective de coordination – et non de lutte sociale – que les syndicats doivent être ‎‎«soutenus». Même un coup d’œil sur la liste des arrestations des syndicalistes pendant ces dernières ‎années montre que ce «soutien» des activités syndicales relève purement d’apparences.‎

Selon les analyses de Mohammad Maljoo, l’économiste iranien, le 11e gouvernement, doit faire face à ‎deux crises parmi d’autres, à savoir «la crise de l’accumulation du capital» et «l’exclusion sociale»‎‎3 ‎, ‎. ‎D’une part, la stratégie principale du gouvernement vise la croissance économique en donnant un rôle ‎central au secteur privé. La solution du gouvernement est basée sur cette analyse selon laquelle ‎l’inégalité sociale et la croissance économique sont historiquement inversement liées en Iran. D’autre ‎part, l’intérêt principal de la classe capitaliste et de la couche supérieure de la classe moyenne se trouve ‎dans la croissance, tandis que la demande la plus importante de la classe ouvrière et de la couche ‎inférieure de la classe moyenne consiste dans la mise en œuvre d’une politique de redistribution. Alors, ‎faut-il adopter cette idée de croissance pour satisfaire les intérêts de deux classes ? La critique de ‎Maljou contre cette analyse consiste à dire que ces analyses oublient, d’une part, le rôle du pétrole dans ‎l’économie iranienne et, de l’autre, le fait que la diminution de l’inégalité peut également inciter la ‎croissance économique en Iran.‎

Mais les économistes du gouvernement – admettant que la croissance économique peut produire un ‎surplus de richesse pour une éventuelle redistribution – insistent sur le fait qu’il ne faut pas lancer un ‎processus de redistribution immédiat, car cela empêche un surplus plus élevé, et, par conséquent, une ‎meilleure distribution dans l’avenir. Mais quand arrivera-t-il ce moment si attendu de la redistribution ? ‎Selon nos expériences : jamais. L’ajournement de la redistribution veut dire, en réalité, l’inexistence ‎permanente de la redistribution. Il ne faut pas oublier la situation dans laquelle la négociation sur ce ‎genre de décisions, le moment de la redistribution, se déroule. Le résultat de la négociation est ‎déterminé par les rapports de forces du pouvoir actuel. Dans un système politique fermé comme celui ‎de l’Iran, la classe ouvrière n’a aucun pouvoir réel, même pour participer à une prétendue négociation. ‎Et oublions la mobilisation et la lutte sociale !‎

Ce n’est pas qu’on attende, avec un optimisme naïf, une impartialité de la part de l’Etat vis-à-vis de ‎cette situation. Mais il est difficile d’imaginer que Mohammad Nahavandian, le président de la ‎Chambre iranienne du commerce, de l’industrie, des mines et de l’agriculture (ICCIMA) – une instance ‎créée pour la mise en coopération entre des hommes d’affaires et les patrons des unités industrielles, ‎des mines et de l’agriculture – est désigné en même temps comme chef de cabinet. Le représentant ‎officiel de la bourgeoisie iranienne est nommé en tant que l’un des personnages les plus puissants du ‎gouvernement.‎

Ali Rabiei, le ministre du Travail actuel – et le conseiller de sécurité de l’ex-président Mohammad ‎Khatami – a déclaré dans un entretien, peu de temps après l’élection présidentielle, l’émergence d’une ‎classe moyenne particulière en Iran qui n’appartient pas nécessairement à la couche économiquement ‎supérieure ‎. Plutôt une classe moyenne culturelle, elle est à l’avant-garde du changement en Iran. ‎Rabiei ajoute qu’il y a un phénomène de «pénétrabilité» dans la société iranienne. Il consiste dans ‎l’affirmation que des comportements et des croyances politiques de la classe moyenne pénètrent, au ‎cours du temps, d’autres groupes de la société, y compris «la classe défavorisée». En admirant la classe ‎moyenne, il la désigne comme la classe progressiste et l’avant-garde pour le changement en Iran. Le ‎vocabulaire choisi par les analystes proches du gouvernement est plein de termes, jamais explicitement ‎définis, comme la classe moyenne, inférieure et supérieure, favorisée et défavorisée. Ce choix de ‎vocabulaire est une tentative consciente afin de mener une politique qui va contre les intérêts de la ‎classe ouvrière.‎

Alors, existe-il clairement une justification d’ordre idéologique derrière le fait que les réformistes n’ont ‎jamais essayé de cibler la classe ouvrière en tant que base populaire de leur politique électorale ?‎

Une partie des dissidents réformistes ont avoué, dans les discussions informelles, que la classe ouvrière ‎pour eux était toujours la base électorale de la politique des réactionnaires, ce qui explique la méfiance ‎totale des réformistes à l’égard de la classe ouvrière au début du mouvement contestataire en 2009, ‎appelé le «mouvement vert».‎

La désespérance de la classe ouvrière iranienne semble continuer pendant ce gouvernement à cause de ‎l’orientation de classe des réformistes. De plus, cette préférence politico-économique des réformistes et ‎de leurs proches met en danger non seulement l’avenir de la classe ouvrière, mais aussi leur propre ‎avenir politique. Le désarroi de la classe ouvrière pourrait être manipulé et utilisé de manière ‎trompeuse dans le cadre des conflits internes au régime. Cela pourrait conduire, dans un certain laps de ‎temps, à une situation similaire à celle de l’élection de 2005. ‎

 


[*] Cet article a été publié par le site web de S STI : http://www.iran-echo.com/arash_classe.html

[1] http://www.mehrnews.com/detail/News/2134491

[2] http://icana.ir/Fa/News/233596

[3] - http://sharghdaily.ir/?News_Id=21456